Le colloque Jean Moulin, organisé par l’Association Nationale des Amis
de Jean Moulin, s’est tenu à Béziers du 22 au 27 mai, dans les locaux de
l’Université Duguesclin et de la médiathèque André Malraux. Devant un
public nombreux, attentif et intergénérationnel (depuis les élèves des
lycées Henri IV et Jean Moulin jusqu’aux adultes soucieux de parfaire
leurs connaissances) se sont succédés pendant une semaine les
meilleurs spécialistes : historiens français et étrangers, conservateurs d’
archives et de musées, membres des familles de Gaulle et Moulin,
enfants de résistants.
Jean Moulin a bien sûr été au centre des interventions.
Bénédicte Vergez-Chaignon ( historienne et collaboratrice de Daniel
Cordier) a invité l’auditoire à découvrir Jean Moulin artiste. Aquarelles,
huiles, eaux-fortes et caricatures ont révélé un homme au regard à la
fois sensible et lucide.
Patricia Gillet (conservateur du patrimoine aux archives nationales) a fait
découvrir Jean Moulin au travers des archives du BCRA. Après avoir
rappelé comment ces documents des services secrets ont rejoint
difficilement les archives nationales, elle a d’abord montré comment les
historiens construisent le récit historique à partir de sources
authentiques. Puis, venant plus précisément aux directives adressées
par le général de Gaulle à Jean Moulin, elle nous a révélé qu’elles
étaient d'abord rédigées par des proches du Général, comme Jacques
Bingen, avant d'être corrigées et complétées par le chef de la France
Libre lui-même.
Jacques Nougaret (membre de la Société Archéologique de Béziers) a
fait revivre l’enfance et la jeunesse de Jean Moulin à Béziers en illustrant
son propos de cartes postales et photographies anciennes de la ville.
Cécile et Gilbert Benoit-Escoffier (cousins et ayants-droits de Jean
Moulin) ont puisé, dans le trésor des souvenirs de leur famille, quelques-
uns des plus beaux documents iconographiques concernant l'homme, le
haut-fonctionnaire et l'artiste, et nous ont fait enfin entendre sa voix lors
de l’accueil de l'aviatrice Maryse Bastié après sa traversée de l'Atlantique sud.
Les élèves de la classe défense du lycée Jean Moulin de Béziers ont présenté le diaporama sur Jean Moulin qu’ils ont réalisé dans le cadre
du concours organisé par l’ONAC sur le thème « sur les pas de Jean
Moulin, histoires locales, mémoire nationale ».
Sur un mode plus récréatif, Philippe Bouget, comédien, et Agnès
Lanchon, dessinatrice, ont présenté à trois reprises un spectacle
dramatique et graphique qui retrace la vie de Jean Moulin depuis son
enfance, sa carrière de haut-fonctionnaire, son action d'unificateur de la
Résistance et de fondateur du CNR, ainsi que sa fin tragique.
Le général de Gaulle a été le sujet de plusieurs interventions.
Julian Jackson (historien anglais spécialiste de l’ Histoire contemporaine
de la France en particulier pendant la Seconde Guerre mondiale, Professeur d'histoire à Queen Mary University of London, membre de
la British Academy et de la Royal Historical Society.) a livré une analyse
de la complémentarité existant entre Charles de Gaulle et Jean Moulin. Il
a expliqué comment et pourquoi deux hommes en apparence si
différents que de Gaulle et Moulin avaient pu s’entendre, en particulier
grâce au grand sens du service de l’Etat qui les habitait tous les deux.
Laurent et Rémi de Gaulle, petits neveux du général de Gaulle, ont
évoqué le souvenir de leur grand-oncle dans ses relations avec ses
proches, et ensuite analysé l'héritage de sa pensée politique.
Auparavant un très bel hommage été rendu par Daniel Maria, maire de
Calas dans le Haut Var, à leur père Bernard de Gaulle, neveu,
compagnon de combat et confident du Général de Gaulle.
Jean-Marie Dedeyan, Vice-Présidence de la Fondation Charles de Gaulle, a évoqué la personnalité exceptionnelle de Bernard de Gaulle et l'action de la Fondation, d'ailleurs liée par convention avec notre Association.
D’autres personnalités en lien avec Jean Moulin ont fait l’objet de
plusieurs interventions
Vladimir Trouplin (conservateur du musée de l’Ordre National de la
Libération) a sorti de l’oubli la figure de Jacques Bingen et brossé de lui
le portrait d'un des hommes les plus attachants de la France Libre.
Grand bourgeois cultivé et épicurien, juif et patriote intransigeant,
Jacques Bingen rencontre Jean Moulin au BCRA de Londres en février
et mars 1943 et choisit de le rejoindre. Arrêté il mourra en avalant sa
pilule de cyanure afin de ne pas parler.
Dominique Schmidt (membre du Comité régional du Mémorial Jean
Moulin) a décrit l’action de son père, Paul Schmidt (Kim), qui fut en
1942-1943 successivement le conseiller militaire du mouvement
Libération et le responsable des opérations aériennes de la France Libre
en Métropole. A travers lui, ce sont tous ceux qui lui ont permis de mener
son action qui ont été évoqués.
François-René Cristiani Fassin (membre et ancien Président du Comité régional du
Mémorial Jean Moulin) a évoqué lui aussi son père Raymond Fassin, qui
fut parachuté le 2 janvier 1942 avec Jean Moulin pour être l'officier
d'opérations auprès du mouvement Combat. Après cette première
mission achevée au moment de l'affaire de Caluire, Raymond Fassin
assuma en 1944 la lourde responsabilité de Délégué Militaire Régional
dans le nord de la France. Trahi, arrêté, Raymond Fassin est mort en
déportation en avril 1945.
Thomas Rabino (historien) a montré comment Laure Moulin a veillé sur
son frère : dès son enfance, elle le conforte dans sa vocation d'artiste ;
elle le conseille dans ses études et l'assiste dans sa vie privée ; elle lui
sert d'agent de liaison dans la clandestinité ; enfin, elle contribue
notablement à la construction de sa gloire posthume.
Pour conclure le colloque, Michel Fratissier (professeur à l'Université
de Montpellier) spécialiste de la présence de Jean Moulin dans la
conscience collective, souligne que les hommages, à Paris, à Béziers,
puis dans les lieux où a vécu et agi le héros, n'ont pas attendu la
"panthéonisation"de 1964. Il explique comment et pourquoi Jean Moulin
est présent, plus que d’autres dans la mémoire collective, et note que le
nom de Jean Moulin apparaît souvent plus consensuel que celui du
Général de Gaulle, parce que l'unificateur de la Résistance de l'intérieur
est emblématique à la fois de la Nation, de la République et des
réformes sociales et économiques prônées par le CNR.
Au total, tous les intervenants, sur des modes et des tons très variés, ont
contribué à faire mieux connaitre et mieux comprendre la très riche
personnalité du héros et martyr de la Résistance que fut Jean Moulin.
Sur plusieurs points, ces journées ont apporté de nouveaux éclairages
sur sa vie et son action
, et par de là sur l’ensemble de la Résistance et ses acteurs, et les
valeurs dont ils sont porteurs.
Connaitre, rendre hommage, faire vivre les valeurs de la Résistance
particulièrement auprès des jeunes : tels sont les buts principaux de
l’Association Nationale des Amis de Jean Moulin. Ce colloque y a
largement contribué.
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