On sait quel rôle Daniel Cordier, du 29 juillet 1942 au 21 juin 1943, a joué auprès de Jean Moulin. On sait aussi que quelques mois plus tard, Paul Schmidt ("Kim", le responsable du Bureau des Opérations Aériennes), évoquant le souvenir du "patron" désormais disparu, a demandé à Daniel Cordier d'écrire, un jour, ses souvenirs sur celui dont il avait été le plus intime et efficace collaborateur. C'est seulement à partir de l'automne 1977 -à l'occasion d'une émission télévisée où avait été gravement mise en cause l'intégrité du "patron"-, que Daniel Cordier s'est mis à l'ouvrage : sa passion et son labeur pour retracer la geste du héros ont perduré jusqu'au dernier jour, car, le jeune secrétaire de Rex, après avoir été un brillant marchand d'art, est devenu successivement son biographe, un historien rigoureux et talentueux, puis un véritable écrivain dont l'oeuvre autobiographique n'a pas fini d'étonner les lecteurs.
Il n'est pas inutile non plus de savoir que, dès le début des années 2000, Daniel Cordier est devenu à la fois le conseiller, le membre d'honneur puis l'ami fidèle de l'A.N.A.J.M. Il a accepté tout d'abord, en 2007, de relire les épreuves de la biographie de Jacqueline Pery d'Alincourt qui avait été son agent de liaison à Paris en 1943, biographie rédigée par un membre de l'Association. En 2012, il a bien voulu confier, pour le recueil de témoignages Autour de Jean Moulin, publié avec le concours de l'Association, un très bel extrait de son Journal intime de l'été 1940. En 2015, il a très officiellement accordé -pour la première fois- l'autorisation, à l'Association, de consulter et publier sa documentation, encore inédite et déposée aux Archives Nationales ; grâce à ce fonds prodigieux l'A.N.A.J.M. a pu faire paraître, en 2018, les Écrits de Jean Moulin, préfacés par Daniel Cordier et accompagnés d'une présentation à la presse (qui constitue en fait le dernier texte rédigé par lui et publié, par la Fondation Charles de Gaulle, dans la revue Espoir ). Le 18 juin de la même année, recevant à l'Élysée les insignes de la grand-croix de la Légion d'Honneur, il tient à ce qu'un représentant de l'Association soit invité à la cérémonie. Durant les mois qui suivent, dans son appartement dominant la baie de Cannes, il reçoit très régulièrement les responsables de l'A.N.A.J.M. ; pendant le confinement de 2020, il s'entretient avec eux par téléphone, les interroge sur leurs lectures et leurs projets, et cela jusqu'à la veille même de son départ, au mois de novembre... En février 2021, ses petites-filles confient à l'Association la mission d'inventorier et de remettre, à la ville natale de Jean Moulin, l'extraordinaire bibliothèque de leur grand-père, vaste collection qui concerne autant la Résistance que l'histoire de l'art et "l'écriture du moi".
L'Association demeurera, à juste titre, fière et émue de la confiance et de l'amitié que lui aura manifestées, durant les vingt dernières années de son existence, cet adolescent centenaire qui émerveillait ses visiteurs par son amour de la vie et sa fidélité à l'égard de l'unificateur de la Résistance.
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